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Les biocéramiques et leur utilisation en endodontie

Margaux Bunel
28
January 2025
4
minutes de lecture

Les biocéramiques et leur utilisation en endodontie

Introduction

L’obturation endodontique représente une des trois étapes clés de la triade de Schilder telle qu’il l’a décrite en 1967. Celle-ci fait suite à la mise en forme et à la désinfection de l’ensemble du système canalaire afin d’assurer son remplissage tridimensionnel pour prévenir la re-prolifération bactérienne. 

Cette obturation repose depuis plusieurs années sur le couple guttapercha/ciment de scellement canalaire afin de bénéficier de la synergie des propriétés de ces deux matériaux. De plus, elle est préférentiellement réalisée avec apport de chaleur.

Cependant, durant les 30-40 dernières années, l’industrie médicale a connu un véritable essor dans le domaine de la régénération et réparation tissulaire. À partir de 1960, ces avancées technologiques ont permises d’introduire un groupe de matériaux appelés« biocéramiques ».

Leurs indications ont vu le jour en endodontie en 1991, avec une technique de mise en œuvre qui montre un véritable changement de paradigme.

Mais alors peut-on réellement les utiliser à tout escient ? Quelles sont leurs indications, leurs mises en œuvre et leurs limites ? C’est ce que nous aborderons dans cet article.

L’obturation canalaire

Définition de l’obturation canalaire

L’obturation canalaire constitue l’ultime étape du traitement endodontique visant à isoler le système canalaire du milieu buccal et du parodonte. Elle doit permettre la cicatrisation apicale et latéro-radiculaire évitant toute récidive de pathologie.

Principe de l’obturation canalaire  

L’obturation du système canalaire consiste à isoler les canaux radiculaires principaux, secondaires et accessoires du reste de l’organisme tout en respectant la limite de l’endodonte. Cette dernière est constituée par la jonction cémento-dentinaire située à environ 1 mm de l’apex radiologique.

En effet, au-delà de cette limite commence le parodonte qui contient tous les éléments nécessaires à la cicatrisation apicale. L’obturation étanche doit donc permettre d’isoler l’endodonte de la septicité buccale.

Objectif de l’obturation canalaire

L’objectif du traitement endodontique consiste

o   À éliminer ou à réduire la charge bactérienne en dessous d’un seuil ne déclenchant pas l’apparition d’une lésion d’origine endodontique.

o   Isoler le système canalaire du milieu buccal et du parodonte profond en scellant le réseau canalaire qui a été instrumenté lors des étapes précédentes et de garantir ainsi l’étanchéité apicale.

o   Limiter le développement de bactéries résiduelles en les privant de nutriments et de d’éviter tout espace libre susceptible de les abriter en remplissant l’ensemble du réseau endodontique y compris les zones non instrumentales comme les isthmes ou les canaux latéraux

-> Mal maîtrisée, cette étape est susceptible de nuire à la qualité globale du traitement endodontique.

Moyen de réalisation

L’obturation doit être réalisée dans des conditions particulières. Ainsi, avant l’obturation, la dent doit présenter les critères suivants, qui doivent être tous réunis :

o   Asymptomatique à la percussion et à la palpation

o   Présenter des canaux parfaitement secs

o   Absencede suintement

o   En présence d’une restauration coronaire étanche en interséance

L’obturation peut être réalisée dans la même séance (après la mise en forme et la désinfection canalaire), ou bien dans une séance ultérieure, dans un délai court, si le temps manque ou encas de contre-indication à celle-ci.

Pour réaliser cette ultime étape du traitement endodontique il existe différentes techniques qui se sont développées au cours du temps présentant chacune des avantages et des inconvénients. Nous n’allons pas détailler toutes les techniques dans cet article.

Cependant à l’heure actuelle la technique de condensation verticale à chaud est considérée comme le gold standard.

Les écueils de l’obturation à chaud  

Bien que la condensation verticale à chaud soit reconnue comme gold standard pour l’obturation canalaire, elle peut être responsable de différents problèmes techniques lorsqu’elle est mal maitrisée. 

o   Des dépassements ou sur extensions : en effet la présence de gutta, reconnue comme un corps étranger, peut être à l’origine d’une réaction inflammatoire empêchant l’obtention d’une cicatrisation péri apicale.

o  L’échauffement du parodonte : une augmentation de température à plus de 90°C à la surface radiculaire peut causer des dommages irréversibles sur les tissus parodontaux

o  Risque de fracture du thermocompacteur

o  Aggravation des micro-fêlures dentaires ou« cracks » 

Conclusion

La technique de compaction verticale à chaud est une technique chronophage qui peut devenir stressante pour le praticien cependant ses contre-indications restent très rares.

Dans les cas de courbures extrêmes, l’impossibilité d’introduire des fouloirs au-delà de la courbure ou de compacter peut montrer les limites de cette technique.

La famille des biocéramiques

Les biocéramiques constituent une famille de biomatériaux dans différents domaines de la science médicale.

Selon le type de de céramique utilisé et de l’interaction avec l’hôte, elle peut être catégorisée en Bio-inertes ou Bioactives ou biodégradables.

Les céramiques bio-inertes déclenchent aucune réaction biologique lorsqu’elles sont en contact avec l’hôte pourtant elles sont biocompatibles. Exemple : alumine, Zircone, Carbone

Les céramiques bioactives déclenchent ou stimulent un processus biologique au sein du tissu avec lesquelles elles sont mises en contact. (Exemple : verre bioactif, silicate de calcium, hydroxyapatite)

Les céramiques biodégradables

Intérêts cliniques

En médecine, les céramiques bio-inertes sont utilisés dans les fabrications de certains dispositifs médicaux essentiellement en orthopédie.

Les bioactives sont, quant à elles, utilisées dans les techniques de régénérations osseuses guidées ou dans la réparation tissulaire.

En odontologie, le champ des indications des « biocéramiques bioactives » est très vaste et concerne de nombreuses disciplines. Elle passe de la préservation pulpaire par des coiffages ou le traitement des perforation, d’apexification, de revitalisation et plus récemment dans l’obturation canalaire.

Dans cet article, nous allons nous intéresser à la sous famille des céramiques bioactives et notamment aux silicates de calcium utilisé dans l’obturation canalaire.

Les ciments à base de silicates de calcium

Au-delà d’une évolution matérielle, la commercialisation des ciments à base de silicate de calcium a entrainé un changement total du concept de l’obturation endodontique en redonnant au ciment son rôle de matériau d’obturation à part entière.

Les ciments silicate de calcium sont apparus sur le marché il y a une vingtaine d’années, avec le MTA MineralTrioxide Aggregate en 1999 (ProRoot MTA, Dentsply Sirona). Ce nouveau matériau a connu un grand essor en odontologie grâce à ses nombreuses indications(chirurgie endodontique, traitement des perforations, coiffage pulpaire). Il est le premier représentant des ciments silicate de calcium en dentaire.

Le MTA devient solide et compact à la suite d’une réaction d’hydratation grâce au mélange de cette poudre avec de l’eau.

Indications cliniques pour le MTA

o   Coiffage pulpaire direct

o   Pulpotomie

o   Bouchon apicale sur apex ouvert ou dent immature

o   Scellement de communication endo-parodontales iatrogènes ou non iatrogènes

o   Obturation à retro en endodontie chirurgicale

Un nouveau ciment silicate de calcium apparait en 2009 sous le nom de Biodentine, commercialisé par Septodont. Initialement qualifié de substitut dentinaire, la Biodentine possède des propriétés permettant de palier aux défauts du MTA. Elle combine de hautes propriétés mécaniques et une excellente bioactivité.  

En effet, les propriétés mécaniques sont améliorées et le temps de prise est diminué à 12min, contre 2h45 pour le MTA.La biodentine est capable de stimuler la prolifération, la migration et l’adhésion des cellules souches du tissus pulpaire (Loison-Robert et al.2018)mais également de la biominéralisation (Zanini et al.2012)

Indications cliniques pour la Biodentine :

o  Coiffage pulpaire direct ou indirect

o  Pulpotomie partielle ou camérale

o  Apexification

o  Traitement des perforations

o  Obturation à rétro en endodontie chirurgicale

Biodentine et MTA n’avaient ni une consistance, ni ne respectaient certaines normes ISO pour pouvoir envisager de les utiliser comme ciment de scellement canalaire.

Les nouveaux ciments biocéramiques, en plus d’être des ciments de scellement, sont également biocompatibles et répondent donc à la norme ISO 6876 de 2012 en tant que «matériaux de scellement de canaux radiculaires »

Les silicates tricalciques destinés à l’obturation canalaire ont bouleversé la conception de l’obturation canalaire. Utilisé avec un cône de guttapercha, ces matériaux ne sont plus utilisés en tant que ciment de scellement, mais bien en tant que matériau d’obturation à part entière.

Les silicates tricalciques  

Pour pallier les problèmes rencontrés, des matériaux de seconde génération ont été développés.

Les améliorations principales sont l’élimination de matériaux lourds et la présence d’aluminium. C’est ainsi que les ciments mono ou diphasiques à base de silicate de calcium apparaissent.

Ils peuvent avoir une consistance fluide destinés à l’obturation canalaire ou une consistance « putty »destinés dans l’apexification, l’endodontie chirurgicale, dans les thérapeutiques de maintien de la vitalité pulpaire ou dans les communications endo-parodontales iatrogène ou non iatrogène.

Les marques les plus connues sur le marché pour l’obturation canalaires sont :

o  Totalfill BC sealer

Mise en œuvre

Le TotalFill® BC Sealer est une pâte de ciment biocéramique injectable pré-mélangée et prête à l’emploi. Il est conditionné dans une seringue pré-remplie.

Le temps de prise est de 4h(dépendant de l’humidité intra-canalaire)

Technique

Il existe deux méthodes d’administration du produit de scellement53.

La méthode dite traditionnelle consiste à enduire la pointe du cône de guttapercha avec le ciment descellement en dehors de la cavité buccale et d’utiliser cette pointe pour appliquer manuellement le ciment sur les parois canalaires.

La deuxième méthode consiste à appliquer le ciment de scellement directement dans le canal grâce à la seringue préremplie.

Il faut retirer le capuchon de la seringue et fixer d’abord un BC Tip (fourni avec le kit) sur l’embase de la seringue en vissant dans le sens horaire.

Puis insérer la seringue dans le canal à une profondeur ne dépassant pas un tiers de la longueur radiculaire. Il faut appliquer une petite quantité du ciment dans le canal en comprimant le piston de la seringue. Ensuite grâce à une lime K15, on enduit les parois du canal avec le ciment.

Pour finir, on insère le cône de guttapercha recouvert d’une fine couche de ciment à sa pointe dans le canal radiculaire ce qui permettra d’amener le ciment jusqu’au tiers apical.

o  Bioroot RCS

Mise en œuvre

Le BiotRoot® RCS se forme par mélange de poudre et de liquide. Ce mélange s’effectue à la main sur un bloc à spatuler ou une plaque de verre. On dépose une cuillère de poudre puis on rajoute cinq gouttes de liquide. On spatule pendant 60 secondes jusqu’à obtention d’un mélange homogène de consistance brillante et crémeuse

Le temps de travail est supérieur à 10min et le temps de prise est d’au moins 4h dans le canal radiculaire.

Technique

Le BiotRoot® RCS s’utilise généralement, voire préférentiellement, avec des cônes de guttapercha par technique du mono-cône ou technique latérale à froid

o   D’autres marques : MTA fillapex, Endosequence BC sealer …

Leurs intérêts cliniques

Dans cette technique d’obturation le canal est rempli avec le matériaux fluide et un cône de gutta est placé en son centre en tant que tuteur afin de pousser le matériau en direction apicale et pour rendre possible le retraitement.

Les avantages relevés

o   Gain de temps

o   Biocompatibilité et bio activité du matériau en contact avec les tissus péri-apicaux et résistance hydrique

o   Reproductibilité des résultats

o   Faible courbe d’apprentissage


Les inconvénients

On soulève :

o   « Le manque de recul clinique et scientifique »

o   L’absence de compactage de la guttapercha ne permet pas un remplissage tridimensionnel suffisant, de ce fait sur les canaux larges et ovalaires on peut observer des « vides » plus importants avec la technique monocône

o   Sur les anatomies de canaux en C

o   La quasi-impossibilité de retrouver une perméabilité apicale reste un des inconvénients majeurs de ces types de ciments rendant la possibilité de réintervention par voie canalaire aléatoire

o   La possibilité de désobturation pour raison prothétique (type inlay-core) ne peut être envisagée dans la même séance à cause de la durée de prise parfois très élevée de ces ciments (« no post, no crown » ?)

Conclusion

L’objectif principal du traitement endodontique est d’obtenir une élimination la plus complète possible des micro-organismes dans les canaux infectés pour permettre de prévenir une contamination après obturation du canal. Il est cependant à noter qu’une élimination totale des micro-organismes reste utopique et très difficile à obtenir pour le praticien. Cette élimination reste donc un challenge total.

Un ciment d’obturation doit répondre à un cahier des charges dont : (selon Grossman en 1940 puis Shmalz 2003)

o   Imperméabilité à l’humidité, pas d’altération à l’humidité

o   Permettre un scellement du canal apical et latéral

o   Radio-opaque

o   Physiquement stable

o   Bactéricide ou bactériostatique

o   Stérilisable

o   Facile à désobstruer

o   Absence de réaction de prise

o   Bonne adhésion à la dentine

o   La non-solubilité dans les fluides apicaux

o   Absence de porosité et de coloration de la dent

o   Noncytotoxicité par les tissus

o   Absence de réaction allergique

o   Temps de travail adéquat et simulation de la cicatrisation osseuse

Conclusion 

Longtemps considéré comme le gold standard du ciment endodontique, le ciment oxyde de zinc – eugénol présente un certain nombre d’inconvénients auxquels les fabricants de biomatériaux dentaires essayent de remédier par la conception de nouveaux ciments.

Depuis quelques années, les sociétés ont mis au point les ciments biocéramiques.

La connaissance du mécanisme d’action de ces biomatériaux bioactifs étant essentielle afin de les adapter à chaque utilisation clinique. Cependant, ces mécanismes restent mal connus et leur utilisation reste empirique.

Le choix du produit« idéal » se fera sur la base d’une réflexion clinique, de l’objectif à atteindre et des contraintes techniques notamment dans ce cas précis en endodontie sur la fluidité et le temps de prise.

En vue des résultats très satisfaisant, leurs champs d’utilisation tendent à se développer considérablement.  

Cette technique d’obturation« monocône » avec les ciments biocéramiques s’inscrit dans un protocole plus rapide, atraumatique et moins complexe de mise en œuvre par rapport aux techniques d’obturation conventionnelles.

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