L'antibiorésistance : Un défi croissant pour la santé publique
Introduction
L'antibiorésistance est aujourd'hui l'un des défis majeurs auxquels les professionnels de santé sont confrontés. En effet, en2017, la France était 6e rang des pays les plus consommateurs d’antibiotiques dans le secteur de ville en Europe, d’après les données du réseau européenESAC-Net. Ce phénomène survient lorsque des bactéries résistantes aux traitements antibiotiques deviennent de plus en plus courantes, rendant certains médicaments de moins en moins efficaces. Cette évolution menace directement la prise en charge des infections bactériennes et représente un risque majeur pour la santé publique.
Chaque année, les infections bactériennes causées par des bactéries multirésistantes entraînent une augmentation de la mortalité, des séjours hospitaliers prolongés, et des coûts supplémentaires pour les systèmes de santé. La lutte contre l'antibiorésistance est indispensable pour réduire la consommation des antibiotiques afin de limiter la pression de sélection sur les bactéries.
Les mécanismes de la résistance aux antibiotiques
Les bactéries résistantes ont développé plusieurs mécanismes pour échapper à l'action des antibiotiques, ce qui rend leur traitement de plus en plus difficile. Ces mécanismes incluent :
- L'inactivation des antibiotiques : Certaines bactéries résistantes produisent des enzymes qui dégradent les antibiotiques avant qu'ils n'atteignent leur cible. Par exemple, la production de bêta-lactamases par des bactéries comme Klebsiella pneumoniae et Escherichia coli peut rendre les bêtalactamines inefficaces.
- Modification de la cible antibiotique : Les bactéries résistantes modifient leur cible moléculaire, rendant l'antibiotique inefficace. Cela peut être observé dans des bactéries pathogènes comme Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM).
- Efflux des antibiotiques : Les bactéries résistantes utilisent des pompes d’efflux pour expulser les antibiotiques de leurs cellules avant qu’ils n'aient pu agir.
- Modification génétique : Les gènes de résistance sont souvent portés par des plasmides, permettant aux bactéries résistantes de transmettre leurs gènes de résistance à d'autres bactéries, facilitant ainsi la propagation de la résistance.
Cette résistance peut être :
o Naturelle : une bactérie est insensible naturellement à certains antibiotiques
o Acquise : une bactérie, auparavant sensible à un antibiotique, devient résistante.
Ces mécanismes de résistance rendent des traitements simples et efficaces contre des infections bactériennes de plus en plus compliqués, nécessitant des alternatives ou des traitements plus agressifs.
Pendant longtemps, la majorité des cas de résistance était détectée à l’hôpital. Le phénomène prend de plus en plus d'ampleur en ville, au détour d’antibiothérapies apparemment anodines.
La consommation d’antibiotiques par l’homme demeure la source majeure d’ingestion. C’est son usage inadapté qui constitue l’une des causes de l’antibiorésistance.

L'impact de l'antibiorésistance sur la santé publique
L'antibiorésistance a des répercussions directes sur la santé publique. Les infections bactériennes deviennent plus difficiles à traiter voire impossible, augmentant le risque de complications graves et de décès prématurés. C’est ainsi que certaines souches sont devenues multirésistantes, c’est-à-dire résistantes à plusieurs antibiotiques. D’autres sont même devenues toto-résistantes, c’est-à-dire résistantes à quasiment tous les antibiotiques disponibles.
Par exemple, des infections urinaires causées par des bactéries résistantes comme Escherichiacoli, ou des infections respiratoires dues à des bactéries pathogènes résistantes, peuvent rapidement devenir des cas complexes nécessitant des traitements coûteux et prolongés.
Le phénomène d'antibiorésistance est également responsable des infections nosocomiales, qui sont des infections contractées à l'hôpital. Ces infections sont particulièrement dangereuses car elles touchent souvent des patients vulnérables, comme ceux en soins intensifs, les personnes âgées, les nouveau-nés et impliquent souvent des bactéries multirésistantes. La gestion de ces infections représente un défi majeur pour les hôpitaux et les professionnels de santé.
Les bactéries multirésistantes comme le Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM) et les entérobactéries résistantes aux carbapénèmes sont devenues des préoccupations majeures dans les établissements de santé. Elles rendent les traitements inefficaces et compliquent la gestion des infections, nécessitant l'utilisation d'antibiotiques de dernier recours, souvent moins efficaces et plus coûteux.
Les conséquences vont être :
o Hospitalisation plus fréquentes et plus prolongées
o Risques plus élevés lors des hospitalisations lorsque les antibiotiques sont nécessaires
o Prescripteurs en difficulté avec des symptômes qui durent plus longtemps, des rechutes, une aggravation de l’infection et des consultation répétées chez le médecin
L'importance du bon usage des antibiotiques
Éviter la survenue des infections est la première étape de la lutte contre l'antibiorésistance. En effet, si les infections sont moins nombreuses, le recours aux antibiotiques sera moins fréquent.
Pour prévenir des infections de la vie quotidienne, nous pouvons rappeler les bases de l’hygiène dans les lieux public (se laver les mains régulièrement, conserver les aliments dans des conditions adaptés, respecter les vaccinations obligatoires et conseillées)
Le bon usage des antibiotiques est essentiel pour prévenir l'aggravation de l'antibiorésistance. Les professionnels de santé, qu'ils soient médecins généralistes, dentistes, pharmaciens ou infirmiers, jouent un rôle crucial dans la prescription et l’administration des antibiotiques.Voici quelques recommandations clés pour limiter la propagation de la résistance :
- Prescription adaptée : Les antibiotiques doivent être prescrits uniquement lorsque cela est nécessaire, notamment pour les infections bactériennes confirmées. Il est essentiel de ne pas prescrire d'antibiotiques pour traiter des infections virales, telles que les rhumes ou les grippes.
- Durée du traitement : Le traitement antibiotique doit être suffisamment long pour éliminer l'infection, mais pas trop long pour éviter la sélection de bactéries résistantes. Un traitement trop court peut entraîner la persistance de bactéries pathogènes, tandis qu'un traitement trop long favorise l’émergence de souches résistantes.
- Éducation des patients : Il est essentiel d'éduquer les patients sur les risques associés à l'usage excessif d'antibiotiques. Sensibiliser les patients à la nécessité de suivre correctement leur traitement et de ne pas exiger des antibiotiques pour des maladies virales est crucial pour prévenir la résistance bactérienne. La consommation d’antibiotiques ne doit pas être une habitude et elle n’est pas une fin en soi.
- Antibiogramme : Utiliser un antibiogramme pour guider le choix des antibiotiques en fonction de la souche bactérienne responsable de l'infection. Cela permet de prescrire le traitement le plus ciblé, réduisant ainsi l'usage d'antibiotiques à large spectre.
Les nouvelles approches pour lutter contre l'antibiorésistance
Face à l'impasse thérapeutique engendrée par l'antibiorésistance, il est essentiel d'explorer de nouvelles molécules et d'autres solutions alternatives :
- Développement de nouvelles molécules antibactériennes : Les efforts de recherche se concentrent sur la découverte de nouvelles molécules pour traiter des bactéries multirésistantes. Cela inclut des antibiotiques de nouvelle génération capables de cibler des souches résistantes à des traitements classiques.
- Bactériophages : Les bactériophages, des virus qui infectent spécifiquement les bactéries pathogènes, font l’objet de recherches prometteuses en tant que thérapie alternative contre les infections bactériennes résistantes.
- Mécanismes d'action novateurs : Des molécules antimicrobiennes exploitant des mécanismes d'action différents, comme l'inhibition de la formation de biofilms ou la modification de la structure des bactéries résistantes, sont en cours de développement.
- Préservation de l'efficacité des antibiotiques : Il est également crucial de préserver l'efficacité des antibiotiques existants en réduisant leur consommation excessive et en améliorant leur utilisation à travers des pratiques médicales plus ciblées et rationnelles.
Stratégies de prévention contre l'antibiorésistance
La lutte contre l'antibiorésistance nécessite une approche globale et multidisciplinaire, impliquant à la fois les professionnels de santé, les autorités sanitaires et les patients. Voici quelques stratégies essentielles pour prévenir et limiter la résistance :
- La formation continue des professionnels de santé : Il est essentiel de former les médecins, les pharmaciens et les infirmiers à la gestion de l'antibiorésistance et à la prescription appropriée des antibiotiques. Une prescription raisonnée est nécessaire pour éviter l'abaissement de la sensibilité des bactéries aux antibiotiques.
- L'amélioration de la prescription d'antibiotiques : Mettre en œuvre des protocoles de prescription stricte et des guidelines cliniques pour limiter la prescription d’antibiotiques à ceux qui sont réellement nécessaires.
- La promotion du bon usage des antibiotiques : Des campagnes de sensibilisation doivent être menées auprès des patients pour expliquer l’importance de suivre correctement les traitements et de ne pas exiger des antibiotiques pour des infections virales, telles que les grippes et les rhumes. Mais également agir sur la prévention primaire pour éviter la survenue de l’infection par des gestes simples du quotidien.
- La réduction de la consommation d'antibiotiques dans les hôpitaux et établissements de santé : Limiter l'usage des antibiotiques de large spectre dans les traitements d'infections nosocomiales.
- La gestion des infections nosocomiales : Le contrôle rigoureux des infections nosocomiales dans les hôpitaux et les établissements de santé est essentiel pour limiter la transmission des bactéries résistantes, en mettant en place des protocoles d’hygiène stricts, comme le lavage des mains, la désinfection des surfaces et le contrôle des souches résistantes.

Conclusion
L'antibiorésistance est un problème de santé publique mondial qui nécessite une réponse collective et coordonnée pour limiter son impact. En tant que professionnels de santé, vous avez un rôle clé à jouer dans la gestion de ce phénomène, que ce soit par une prescription responsable d'antibiotiques, un suivi des traitements et une éducation des patients.
La recherche sur les nouvelles molécules antibactériennes et les alternatives thérapeutiques, ainsi que l'amélioration du bon usage des antibiotiques, sont des étapes essentielles pour garantir l'efficacité des antibiotiques face à l'émergence des bactéries résistantes.
Il faut garder à l’esprit lorsque nous prescrivons des antibiotiques dans le cadre d’un bon usage :
o La bonne indication
o La bonne molécule
o La bonne dose
o La bonne durée
Pour rappel : En France, l’antibiorésistance est la cause de 5 543 décès par an chez des patients atteints d’infections à bactéries résistantes.
On vous recommande
Échanger avec l’équipe
Contactez-nous directement via notre formulaire de contact. Notre équipe s'engage à vous apporter une réponse le plus vite possible.
.jpg)